Tout ce qu’on vous a raconté chez Jack était déjà une vraie immersion dans la vie traditionnelle des Fidjiens… mais vous n’avez encore rien vu ! En fait, le plus incroyable en vivant dans le village de Jack, c’est qu’on découvre que certains Fidjiens ont conservé un mode de vie extrêmement traditionnel et coutumier.
Dès notre arrivée, Jack nous explique qu’on est ici en « homestay » et que nous devons donc nous plier à certaines règles de bonne conduite dans le village : pour toute promenade dans le village, les filles doivent se couvrir les jambes et les épaules (pas de problème par contre pour être en maillot sur la plage… mais vu que la plage est juste devant les maisons, on se sent quand même mal à l’aise !), tout chapeau ou casquette doit être enlevé, etc. Mais surtout, nous devons procéder à une cérémonie du chef ce soir : cela nous permettra d’être accepté dans le village et de pouvoir nous y promener librement.
Nous sommes extrêmement intrigués par cette cérémonie et nous irons de surprise en surprise. Jack semble tout stressé par ce moment donc on comprend que cela doit être important. Pour commencer, nous devons acheter un sevusevu (prononcer cévou-cévou), une sorte d’offrande au chef et à la communauté. Facile, le sevusevuest en général du kava… 1ère surprise : ici, et contrairement au Vanuatu, on achète le kava en poudre ! Nous achetons donc un certain nombre de petits sachets de kava à Jack. Puis nous partons dans une grande pièce de la maison voisine : la pièce est toute vide et l’obscurité quasi-totale, des nattes en palmiers sont installées au sol. Jack nous positionne tous de façon très précise. On s’assied bien sûr à même le sol, on doit se mettre 2 par 2 – oui parce qu’à notre arrivée, on est avec deux jeunes touristes qui sont vite reparties… elles auraient définitivement mieux fait d’aller directement dans un resort ! - et face à face : quand le chef arrivera, il prendra la « place du chef » au bout. Face à lui, un voisin (ou cousin ou copain ou tout ça à la fois… comme d’hab on ne comprend rien !) arrive et vient préparer le kava.
C’est là qu’on découvre le kava des Fidji rien à voir avec celui du Vanuatu. Ici, il est préparé plus simplement et de manière plus rapide qu’au Vanuatu : la poudre de kava est quand même mélangée et filtrée longuement (mais pas pendant 1h) avec de l’eau (là encore, il ne vaut mieux pas regarder de trop près ce qui sert de filtre…), puis le kava final est servi dans un beau récipient qui est une sorte de grand saladier en bois, souvent sculpté, avec 3 pieds. Le kava est prêt à être bu et une prière est alors récitée à voix haute. Puis le « préparateur » sert un bol de kava dans un ½ noix de coco. C’est ce même bol dans lequel tout le monde boit l’un après l’autre. Au moment de boire, on doit toujours se plier à un petit rituel : on frappe des mains une fois, on prend le bol, on dit « Bula », on boit le kava (cul-sec bien sûr !), on rend le bol et on frappe 3 fois des mains. Les autres personnes présentes peuvent répondre à ce rituel en disant également « Bula » et en frappant des mains une fois le bol vidé. Très impressionnant pour nous tous ces rituels ! On les retrouvera dans d’autres villages du Fidji. Jack et tous les autres villageois sont très intéressés par nos 1ères impressions sur le kava fidjien, ils veulent surtout qu’on leur confirme que le kava des Fidji est le meilleur et qu’il est en tout cas meilleur que celui du Vanuatu. On n’a pas vraiment d’avis sur la question mais une chose est sûre : celui du Fidji est nettement plus léger que celui du Vanuatu (et ce n’est peut-être pas plus mal ?).
Bref, revenons à notre cérémonie du chef parce qu’avant de boire le kava avec le chef, il faut d’abord que le chef arrive. Là aussi, on doit suivre tout un rituel : Jack nous fait répéter car on doit dire quelque chose comme « bongui-gna-bongui » (en phonétique) en chœur quand le chef arrive. Attention, attention, il arrive : et là, on voit un petit papi arriver, habillé avec un maillot de sport avec une jupe longue. Il ne ressemble pas à grand-chose finalement ! En tout cas, en bons polards, on prononce bien le « bongui-gna-bongui » et Jack est tout fier de nous. Il se lance alors dans une sorte de prière ou de récitation, il semble parler en fidjien en notre nom et le chef lui répond. Nous on reste tête baissée pendant cette prière. Puis c’est bon, on comprend qu’on peut relever la tête et « ré-intégrer la cérémonie ». On échange quelques mots avec le chef, puis vient le moment du kava. C’est là qu’intervient une autre règle : surtout ne pas parler quand le chef boit !
On se rend compte également qu’il faut faire attention à ne pas parler trop fort dans tous ces moments de kava : ce sont vraiment des moments de repos, d’intimité. En tout cas, c’est bon : on a réussi notre rite d’initiation, on est les bienvenus au village !
Cette cérémonie est certainement le moment le plus marquant mais nous aurons d’autres surprises : en particulier quand le lendemain, nous nous promenons entre les 2 villages de l’île.
Nous croisons 2 petites filles du village qui se proposent de nous accompagner : les enfants adorent cela, elles me donnent plein de jolies fleurs d’hibiscus pour mettre dans les cheveux, nous montrent les enclos des cochons, nous papotent… mais une fois arrivés à l’entrée du village voisin, elles nous disent qu’elles vont rester là et nous attendre.
Euh mais pourquoi ? Elles nous expliquent tant bien que mal qu’elles n’ont pas le droit d’aller au village voisin !!! Après vérification avec les adultes le soir, c’est bien ça : les enfants vont seulement au village voisin pour aller à l’école. Les jours sans école ils ne sont pas autorisés à y pénétrer seuls. Là, c’est vraiment hallucinant !! Ils sont super isolés sur une île où il y a seulement 2 villages, les 2 villages sont sur la même plage, simplement séparés par quelques gros rochers et un peu de forêt et pourtant, les gens ne peuvent pas circuler comme ils veulent entre les 2 villages. Les enfants doivent être accompagnés, les adultes doivent être habillés d’une certaine manière, etc.
Là, on découvre des Fidji profondément conservateurs et coutumiers loin, très très loin de l’image occidentale que renvoient toutes les infrastructures réservées aux touristes en quête uniquement de bronzette et de fiesta !