On avait lu un peu partout que certaines plages de la côte pacifique du Nicaragua sont propices à la ponte des tortues et que la saison s'étale d'août à décembre.
On n'était donc plus dans les clous mais on gardait tout de même un petit espoir. On avait repéré une petite agence à San Juan del Sur qui organise des sorties sur une plage voisine. En y arrivant pour se renseigner, on voit un grand panneau "Turtles are back". Bingo, l'espoir renaît. Apparemment, c'est certainement la dernière nuit où on pourra en voir car c'est la fin de la saison. Mais on est sûr d'en voir. Bon, on reste quand même un peu perplexes : on est comme St Thomas, on ne croit que ce qu’on voit.
Voici le déroulé de notre folle soirée :
(petite précision éditoriale : Oriane n’a pas censuré ce texte alors qu’elle en avait trèèèèèès envie !)
19h : Avant de partir, petite présentation PowerPoint sur la création de la réserve naturelle, La Flor, pour protéger les tortues et avec des explications sur la vie des tortues et leur environnement. Vous allez me dire que ça fait très polard (Oriane a adoré !!). Ce n'est pas faux mais c'est tout de même super intéressant et plutôt bien réussi. Bon les TPE sont quand même bien meilleurs au niveau de l'animation des PowerPoint. :-)
19h30 : Départ en camion pour rejoindre la plage. On est un groupe d'une trentaine de personnes. Ce sont des camions un peu comme à l'armée : des bancs de bois ouverts aux 4 vents. Tout le monde est assez excité. Vamos !!!!
20h30 : Arrivée à la réserve La Flor. On se sépare en 2 groupes et on nous fournit une lampe monochrome rouge par couple. Ça permet de voir les tortues sans les déranger car si on éclaire avec une lampe classique, elles seraient effrayées et repartiraient aussitôt dans l'océan sans pondre. Notre guide nous donne quelques recommandations et des informations sur les tortues que nous allons voir.
Petit aparté scientifique. Les tortues qui viennent pondre sur cette plage sont exclusivement des "olive ridley", ou tortues olivâtres. Elles pondent en moyenne 100 œufs à 50 cm sous le sable. Après 45 jours environ, les bébés cassent leur coquille et essaient de se frayer un chemin jusqu'à la surface. Une fois à l'air libre commence un sprint (bon bon un sprint on se comprend, c'est pas Usain Bolt non plus) sans relâche jusqu'à l’océan. C'est là où elles sont les plus vulnérables. Une fois dans l’eau, elles nagent non stop pendant plus de 24 heures vers le large et elles sont quasiment sauvées. Il n'y aurait que 7 plages dans le monde où on peut voir ces tortues pondre dont celle ici, située dans la réserve La Flor. Incroyable ! Et sachant que les tortues viennent toujours pondre là où elles sont nées c'est pas prêt de changer encore. Lol.
Revenons à notre soirée. Avant de partir sur la plage on passe par un poste de gardien (et oui il y a des gardes armés qui surveillent les plages pour éviter que des braconniers viennent récupérer les œufs pour ensuite les vendre au marché noir. Soi-disant que ces œufs ont des propriétés aphrodisiaques. Sans commentaire) où nous attend une surprise. Notre guide ressort avec un petit panier rempli de bébés tortues qui viennent à peine de naître. En fait les gardiens mettent des œufs à l’abri et une fois nées, les tortues sont remises directement à l'eau garantissant ainsi le sauvetage de plusieurs centaines de tortues.
On va donc avoir la lourde tâche de les relâcher ce soir. On est comme des gamins. Je vous passe les hurlements des américaines quand elles ont vu les bébés tortues. Je suis certainement plus sourd ce soir à cause d’elles.
21h : Départ pour la plage dans le silence. On voit déjà au loin des lumières rouges s'agiter un peu partout.
21h02 : On aura à peine eu le temps de se demander où il faut chercher qu'on tombe sur notre 1ère tortue en pleine ponte. On est complètement ému. On a limite les larmes aux yeux. Elle est là immobile, affalée dans le sable (je parle de la tortue bien sûr pas d'Oriane... :-)). On peut même deviner qu'elle est en train de souffrir. Le guide nous dit alors qu'on peut chuchoter sans problème. En fait pendant la ponte, la tortue est dans une sorte d'état de transe, elle ne nous entend pas. Seule la lumière viendrait la troubler.
21h05 : On se met tous derrière la tortue, le guide gratte un peu le sable et on peut ainsi voir tomber 1 à 1 les œufs dans le trou qu'elle a creusé. Heureusement on en est plutôt à la fin qu'au début et au bout de quelques minutes les œufs s'arrêtent de tomber. Commence alors un long processus (et oui si vous ne le saviez pas encore une tortue c'est lent très lent. D'ailleurs Laura pourra le confirmer) de « rebouchage ». Avec ses grosses pattes la tortue ramène le sable dans le trou et le bouche petit à petit.
21h25 : D'un seul coup le guide nous dit qu'elle va commencer à tasser. Euhhh comment ça tasser ??? Croyez-nous ou pas la tortue a tassé, tassé... Incroyable! Ce qu'on a vu est complètement indescriptible. Elle faisait balancer sa carapace de droite à gauche et on pouvait entendre les chocs contre le sable.
21h35 : la tortue continue de tasser...
21h45 : Elle fait ensuite le tour de son nid et remet du sable un peu partout pour effacer toute trace. Maline la tortue. Et c'est plutôt bien réussi.
21h55 : La tortue décide de regagner l'océan. Tout le monde se tait et on se met face à elle ce qui peut paraitre paradoxal. En fait si on l'éclairait par derrière elle aurait tendance à se retourner et à suivre la lumière. Ne me demandez par pourquoi c'est comme ça.
22h05 : Elle a fait la moitié du chemin la séparant de l'océan soit environ 15m.
22h15 : Elle commence à toucher l'eau. On a alors l'impression qu'elle est satisfaite de son travail et qu'elle peut repartir tranquillement. On lui dit une dernière fois au revoir puis elle s'éloigne dans l'obscurité.
22h20 : Notre guide nous dit alors que c'est le bon moment pour libérer nos petites tortues. Il nous fait tous aligner face à l'océan à 4 ou 5 mètres et nous donne une tortue chacun. Elle tient largement dans le creux de notre main. Elle agite ses petites pattes comme pour nous dire qu'elle veut partir.
1, 2, 3 c'est partiiiiii. La course commence. La tortue d'Oriane part à toute allure. La mienne n'a toujours pas compris qu'il fallait partir et ne bouge pas. Je crois qu'elle réfléchit au chemin le plus court. Ou pas.
22h30 : Les tortues ont parcouru au moins… 1m. La mienne commence à peine à démarrer alors que celle d'Oriane montre des signes de faiblesse. L'écart se resserre inexorablement. On suit la course à la lueur toute faiblarde des petites lampes rouges qui nous servent de « carotte » pour les faire avancer.
22h40 : Nos 2 tortues sont à la même hauteur. Elles sont à vitesse maximale. Elles peuvent commencer à sentir l'eau qui se rapproche. Elles jouent même du coude (enfin plutôt de la patte). Quand elles touchent l'eau on ne peut pas désigner de vainqueur. Malheureusement les premières vagues immenses (surtout pour elles) les ramènent 2m en arrière. Tout est à recommencer. Et là on voit très bien qu’elles sont trop deg… Par contre pour nous, c’est un peu la panique : l’obscurité est quasi-totale et on se retrouve les pieds dans l’eau avec des toutes petites tortues qui doivent se faire valdinguer autour de nous. Stop, plus personne ne doit bouger avant de les avoir repérées.
22h45 : Une nouvelle vague arrive sur elles pour la deuxième fois. Cette fois-ci c'est la bonne. En un rien de temps, elles disparaissent. On leur souhaite bon voyage. Peut-être les reverrons-nous un jour.
22h50 : Notre guide nous amène maintenant à la recherche d’une éclosion. Comme la saison de ponte dure sur plusieurs mois, on peut voir également en fin de saison des éclosions de tortues. On avance donc tout doucement en ligne pour chercher des petites tortues qui sortiraient du sable.
Entre 22h50 et 23h10 : Pendant notre recherche d’éclosion, on rencontre des dizaines de tortues soit en train de pondre, soit en train de regagner l’océan, soit en train de sortir de l’océan… C’est MAGIQUE. Il y en a partout. Notre guide nous dit que la veille ils ont estimé qu’il y en avait 800. Au pic de la saison on peut en voir des milliers. Apparemment elles se touchent presque.
23h10 : Une personne crie « Hatching » ce qui signifie éclosion en anglais. On se précipite tous autour d’elle. Effectivement on aperçoit une tortue à moitié ensablée. On attend un peu mais elle ne bouge pas. Le guide la touche un peu pour savoir si elle est vivante. Ses petites pattes se mettent à bouger. Ouf elle est vivante. Mais par contre pas d’autres tortues autour. Bizarre. Le guide ne sait pas trop pourquoi.
23h15 : Fin des recherches et retour vers San Juan, de belles images plein la tête.
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