Mieux que BFM TV, nous allons vous faire vivre 24h de folie, le Zimbabwe comme vous ne l’avez jamais vu…. Il n’y aura pas de sang bien heureusement mais vous allez comprendre ce qui gangrène l’Afrique : la corruption.
Voici l’histoire… bon c’est un peu long mais ça vaut le coup !
Comme on vous l’expliquait dans le dernier post, Thembi nous a proposé de passer 2 jours dans le Matopos National Park en camping avec ses 2 autres couchsurfeurs : l’américain Coner et le belge Yegor (Ok ça ne sonne pas très belge. En fait il est d’origine Kazakh. Bref, c’est une longue histoire).
Thembi connait vraiment bien la région et nous fait partager tout son savoir comme cette espèce de cactus qui possède une sève toute blanche et hautement toxique, qui peut rendre aveugle.
Le parc est vraiment magnifique avec ses amas de pierres volcaniques couleur ocre polies par le temps qui prennent des positions et formes incroyables.
La 1ère étape est l’installation au « camping », ou plutôt dans le pré où nous allons nous installer. Il est au milieu de nulle part, au pied d’un skopje dans un cadre toujours magnifique. Il n’y a que nous. On y accède par une piste toute défoncée. On est accueilli par un petit gars trop mignon qui nous prépare le feu et nous prête plein de choses utiles.
Ensuite direction les peintures rupestres. On prend un papi sur le bord de la route qui nous servira de guide. C’est un peu le sage du village. Après quelques minutes de marche, il nous fait découvrir ces fameuses peintures : des hommes, des animaux dessinés. C’est juste incroyable de voir ça en pleine nature, dessinées sur ces grosses roches il y a plusieurs milliers d’années…
Après un superbe coucher de soleil et une séance de Polaroïd, on rejoint nos tentes. Autour du feu, on aborde des sujets sérieux et particulièrement sensibles (Thembi nous a bien dit de ne jamais parler politiques, Mugabé a des oreilles partout). On fait nos vrais polards : corruption, colonisation, ethnies du Zimbabwe, gestion des déchets... Bref on se croirait en colle de prépa. Mais on apprend énormément de choses ! Coner et Yegor ont passé respectivement 2 ans et quelques mois au Kenya, Swaziland et Congo, leurs regards sont donc très riches. On sent vraiment que Thembi aimerait que son pays pense enfin à l’avenir : qu’il se développe, respecte la nature et par-dessus tout, que la corruption cesse. Pour lui c’est le facteur majeur de l’échec du développement du continent africain… et la journée du lendemain en sera le parfait exemple !
Pour la nuit, on cache quand même toute la nourriture dans la voiture car il y aurait des léopards dans le secteur… Raulet ne fait pas la fière
Le lendemain matin, réveil à 5h avant même que le soleil se lève. Petit-déj incroyable, on est seuls au monde ! Au programme de la journée : entrer dans le parc pour recherche des rhinos, voir d’autres peintures et la tombe de Cecil Rhodes – le principal colonisateur du pays, qui a donné son nom à la Rhodésie, ex-Zambie et Zimbabwe. Mais ça, c’est ce qu’on croyait…
Arrivés à l’entrée du parc pour payer, on comprend très vite qu’il y a quelque chose qui cloche. Un noir et 4 blancs qui sont juste amis et qui veulent visiter le parc, c’est louche. En effet, la plupart du temps, les touristes viennent avec un Tour Opérateur depuis Bulawayo (et c’est au mieux 90 $/pers la journée alors que là, on est le week-end, Thembi ne nous fait rien payer : on partage juste les frais et on paye nos entrées). Ah oui, on nous dit qu’ils ont repéré la plaque et qu’on était déjà dans le parc hier… n’importe quoi !
Après de longues minutes de discussion, on nous demande d’aller voir le bureau des rangers qui se trouve à 1km après l’entrée car le chef veut apparemment nous parler.
Thembi nous avait prévenus que ça risquait d’être difficile : en effet, il est « black-listé » ici car il a déjà dénoncé un réseau de corruption, et surtout, il ne veut pas jouer le jeu de la corruption.
On arrive donc au bureau officiel – en réalité une sorte de cabane améliorée : il y a là 3 gars en uniforme, derrière leur bureau en bois, à écrire sur des cahiers et registres ultra vieux, à répondre à un téléphone d’il y a 40 ans, etc. Ce serait un sketch s’ils n’avaient pas l’air si sévère !
Ils demandent de nouveau si nous sommes des clients, si Thembi est un guide (ce qui ne poserait d’ailleurs aucun problème !!). Ils nous sortent 4 chaises et ils nous alignent là : ils veulent parler à Thembi, qu’ils prennent dans un bureau à part. Ils reviennent et ils veulent qu’on inscrive nos noms et numéros de passeport sur une feuille volante. Coner commence mais demande pourquoi : « OK pas de problème, je vais le faire, mais je veux juste savoir pourquoi vous en avez besoin ? », « Ben parce que c’est comme ça ! ». En fait, le gars est incapable de dire quel est le problème, c’est juste incroyable !
Par contre, pendant tout ce temps, ils sont adorables avec nous, s’excusent plein de fois de ce dérangement. C’est Thembi le problème : on nous propose donc un guide-ranger gratuitement pour qu’on aille dans le parc pendant que Thembi va au poste de police (Thembi veut d’ailleurs y aller puisqu’il a déjà eu ce problème et quand il finit par aller voir le boss à la police, il a bien vu qu’il n’y avait pas de problème et avait juste clos la discussion…).
Règle n°1 de la corruption : faire perdre un maximum de temps aux gens… qui finissent ainsi par craquer et donner un billet juste pour arrêter de perdre du temps.
Bref, on refuse et on s’en va ! Et oui la corruption est cachée aux touristes et aux occidentaux (dans ce bureau, trône d’ailleurs fièrement le trophée d’excellence Trip Advisor 2014).
On repart donc du parc : on préfère ne pas le voir plutôt que de contribuer au système de corruption (et oui, si Thembi avait donné un billet dès le départ, tout serait réglé !).
Vous croyez que c’est fini (comme nous à ce moment-là) ? Et bien, non, pas du tout…
A quelques kilomètres sur la route, au 1er barrage de police (ah oui on ne vous a pas dit mais il y a très régulièrement des policiers sur le bord de la route qui n’arrêtent que quelques voitures. En fait quand les policiers veulent s’arrondir les fins de mois, ils créent un pseudo barrage sur la route. Sur 1km de route, il peut y avoir jusqu’à 3 barrages de police. Ils arrêtent alors toutes les voitures et prétextent des pseudos infractions pour obtenir de l’argent, pour eux bien sûr), ils nous arrêtent et vérifient notre coffre. Ils nous demandent si on n’a pas d’armes…Euh bien sûr que non. Ils vérifient notre passeport et nos visas. C’est bon, tout est en règle. Thembi leur raconte alors ce qui s’est passé dans le Parc et pourquoi on n’a pas pu rentrer.
Les policiers, plutôt gentils avec nous, décident alors de convoquer les Rangers. Nous on attend tranquillement au bord de la route. Thembi continue de parler avec eux. Quand il revient vers nous, il se met d’un coup à pleurer. Il craque complètement. Il est tellement dégoûté pour son pays. Il nous explique alors que les Rangers ont dit aux policiers par téléphone qu’ils nous accusaient de braconner les rhinos. Et oui, ils sont très forts pour inventer des histoires !
Les Rangers arrivent au bout de quelque temps. On est vraiment au milieu de rien. Tout le monde discute entre énervements, rires et banalités (« quoi, vous avez 29 ans et pas d’enfants !!! »). Les policiers ne croient pas au coup du braconnage. Ils comprennent que c’est ridicule. On redemande alors pour la Xième fois, quel est le problème, de quoi on est accusé. Personne n’est capable de nous répondre. En fait, personne ne veut perdre la face et comme on ne veut pas donner d’argent, la situation est bloquée. D’un coup, les policiers décident qu’on doit tous aller au bureau de Police (« The white house » qu’on voit à flanc de colline plus loin). On redemande pourquoi. Réponse : « It’s my decision » (C’est ma décision). Incroyable !
On s’exécute alors sauf que les Rangers ont pris le permis de conduire de Thembi (on ne sait toujours pas pourquoi, au cas où on s’enfuirait sans doute) et on doit les suivre en voiture. On croit alors qu’on voit le bout du tunnel mais ce n’est toujours pas fini. Les Rangers roulent très lentement puis s’arrêtent sur le bas-côté encore au milieu de rien. On pense qu’ils continuent à gagner du temps. En fait ils sont en panne. Encore une tuile !!
Le chef sort de sa voiture et s’engouffre dans la savane. Il revient 2 minutes plus tard avec 2 rangers armés (contre les braconniers et les animaux sauvages !). On décide de faire 2 groupes. Thembi part avec sa voiture et prend Coner, Yegor (ils parlent mieux l’anglais que nous), le chef et un autre pour aller au bureau de Police. Nous on reste avec la voiture en panne, un ranger armé et un autre qui a l’air de s’y connaitre un peu en mécanique.
L’ambiance est plutôt bonne. On discute un peu de tout, de la France, du Zimbabwe. On rit beaucoup. On tente de repartir mais on avance vraiment doucement car le moteur s’arrête souvent. Finalement on décide d’attendre de l’aide. La scène est surréaliste. On est au milieu du Zimbabwe en train de parler avec un ranger armé au milieu de la savane. Il fait 35°C. Au bout de quelques minutes, une voiture arrive sur la route. On l’arrête. Un homme veut bien nous aider. Ils trafiquent tous le moteur et arrivent finalement à redémarrer pour de bon la voiture.
Dès qu’on arrive au bureau de Police, on aperçoit Coner et Yegor qui attendent sur le pas de la porte, assis par terre. En fait ils attendent Thembi qui se fait interroger. Ils n’en savent pas plus. On attend encore de très longues minutes ensemble. Thembi sort enfin et nous dit que tout va bien. Ce qui parait totalement normal car on n’a rien à se reprocher !! On signe une feuille de papier volante avec nos numéros de passeport puis on repart direction Bulawayo.
Cette fois-ci, tout est réglé. On ne leur a pas donné un centime mais on n’a pas vu le parc non plus (pas grave avec tout ce qu’on a vu hier soir à la lisière du parc !). On est trop fier de nous !
De retour à Bulawayo, on enchaine les bars puis on va manger au braai (= barbecue) en plein air pour voir le coucher de soleil ambiance populaire et bon enfant. Bien sûr, pas une seul blanc ici sauf nous 4 et les gens sont adorables avec nous. On y fait même la rencontre d’un représentant du Zimbabwe aux Jeux Olympiques de Pékin et d’Athènes, il a couru le 10 000 m et est arrivé… avant-dernier !